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Les chrétiens du Nigeria vivent un véritable génocide, selon Sarah Reng Ochekpe

Sarah Reng Ochekpe discerne des indices qui donnent à penser que les islamises peuls ont mis au point un plan d’attaque ciblé visant à éradiquer les chrétiens du Nigeria. « On assiste à un véritable génocide, sans exagération », a déclaré l’ancienne ministre des Ressources en eau.

Interview de Sarah Ochekpe

CSI : Vous habitez à Jos, dans l’État fédéré de Plateau, qui a été le théâtre de nombreuses attaques contre des villages chrétiens par des bergers peuls islamistes. Quel est l’arrière-plan du conflit ?

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Des enfants chrétiens dans un camp de réfugiés catholique à Maiduguri dans l’État fédéré de Borno (nord-est du Nigéria). Ils ont dû fuir la violence de la milice terroriste islamiste Boko Haram. (Août 2017)

Sarah Ochekpe : L’État fédéré de Plateau est habité par des ressortissants de différentes religions, mais la population autochtone, composée des Birom et d’autres tribus minoritaires, est majoritairement chrétienne. Il n’y a pas longtemps, ils cohabitaient en paix avec les Peuls. Mais avec le temps et l’arrivée de fondamentalistes islamistes, cette relation s’est empoisonnée. Maintenant, nous vivons une situation où les Peuls que nous connaissions depuis longtemps conspirent avec des personnes extérieures à leur communauté et même avec des étrangers pour s’en prendre à la population locale et la chasser.

Lors d’un attentat à la bombe pendant le culte de Noël, Justina Uche (à droite) a été grièvement blessée. Elle a perdu son œil gauche. L’attentat de Madalla (à 30 km de la capitale Abuja) a été revendiqué par la milice terroriste Boko Haram.

Que fait le gouvernement ?

Pour garantir la coexistence pacifique entre toutes les ethnies et les groupes religieux dans la région de Jos, le gouvernement a décidé de mettre en place une unité militaire nommée « opération refuge ». Mais les effets de cette mesure sont imperceptibles, car nous avons vécu plusieurs situations dans lesquelles des membres de l’armée fermaient les yeux sur les provocations des Peuls qui faisaient par exemple brouter leurs troupeaux sur des champs privés ou qui détruisaient les champs avant la moisson. Ils ont même attaqué des villages sans que cela donne lieu à une intervention de l’armée. Les Peuls sont devenus de plus en plus acharnés et ils ont accès à un armement de plus en plus sophistiqué, ce qui indique qu’il leur est fourni par des islamistes étrangers. On craint qu’il existe un lien entre les bergers peuls et Boko Haram.

Pensez-vous aussi que ce lien existe ?

Oui, on peut le présumer quand on analyse les attaques contre les villages et les armes utilisées par les bergers peuls. D’après les médias, il est de notoriété publique que Boko Haram a attaqué des positions militaires à plusieurs reprises et qu’il s’est emparé de nombreuses armes militaires. Or après des attaques peules, des obus sont parfois récupérés et nous constatons qu’il s’agit d’armes militaires personnalisées. Mais certaines communautés locales accusent directement l’armée d’être les complices des Peuls parce qu’elles ont reconnu des officiers lors des attaques qu’elles ont subies. C’est également une possibilité.

Est-il possible de dire que les Peuls suivent un programme islamiste à l’image de Boko Haram ?

Le Nigéria a une longue histoire avec les Peuls. Au xixe siècle, des dirigeants islamistes peuls dirigés par Usman dan Fodio ont mené un djihad pour établir leur domination. Ils ont repris l’administration des États appartenant à l’ethnie haoussa et ont mis en place des émirats peuls. Des émirs peuls dirigeaient alors les communautés haoussa. Aujourd’hui, il semble que la situation est assez semblable : les Peuls veulent dominer toute la population.

Or cela n’a pas lieu seulement dans le centre du Nigéria. Les Peuls se déplacent vers le sud, vers des communautés à majorité chrétienne. Ils viennent souvent avec des troupeaux et tentent de faire main basse sur des terres agricoles et des forêts au nom de la liberté de pâturage. Dans de nombreuses régions, les habitants ne peuvent même plus aller aux champs, ils ont trop peur d’être attaqués.

Peut-on vraiment employer le terme « génocide » pour évoquer ce que vivent les chrétiens au Nigéria ?

Faith Simon, de l’État fédéré de Kaduna au centre du Nigéria, a été touchée par une balle tirée par des islamistes peuls. C’était tellement grave que sa jambe gauche a dû être amputée. La courageuse jeune fille a appris à marcher avec des béquilles. (Février 2019)

Je pense que parler de « génocide » n’est pas exagéré. En 2010, le village de Gyenburuk (Dogo-Nahawa, zone de gouvernement local de Jos Sud, État de Plateau) a connu une attaque massive. En une seule nuit, plus de deux cents personnes ont été assassinées : des enfants, des handicapés, des femmes, des hommes. J’ai visité le village le lendemain de l’attaque, le spectacle était terrifiant. Il s’agissait de communautés à 100 % chrétiennes, c’est clairement une volonté d’éradication. Il y a eu plusieurs attaques similaires, également dans les États fédérés de Kaduna, d’Adamawa, de Benue, de Taraba et dans certaines parties des États de Niger et de Nasarawa. Il s’agit d’une sélection délibérée des populations chrétiennes et plus largement non-musulmanes.

Dans la région où Boko Haram est très actif, au nord-est du Nigéria, nous avons constaté des attaques contre les chrétiens ainsi que contre les musulmans. Dans ce cas, on peut dire qu’il s’agit d’une branche de l’islam qui s’oppose à toutes les autres communautés, y compris les chrétiens. Mais dans le centre du Nigéria, les chrétiens sont les seules victimes.

La tactique des Peuls a-t-elle changé au cours des années ?

Oui. Au début, on avait plutôt affaire à de grandes attaques comme celle perpétrée en juin 2018 lorsque plus de vingt villages avaient été envahis. Actuellement, les attaques sont plus fréquentes, mais de moins grande ampleur. De plus, les assaillants se concentrent davantage sur les fermes, sachant qu’elles sont la force économique d’une région ; ils savent que la meilleure façon de faire fléchir les habitants consiste à détruire les champs juste avant la moisson afin d’ôter tout revenu aux agriculteurs, mais surtout d’empêcher la population de se nourrir. Or des populations démunies et affamées sont bien plus vulnérables.

Vous étiez ministre dans le gouvernement de Goodluck Jonathan, le prédécesseur du président actuel Muhammadu Buhari. Si vous étiez ministre actuellement, que feriez-vous ?

Si j’étais encore au gouvernement, je ferais en sorte que l’État se démène pour le bien de tous les citoyens, indépendamment des ethnies. Je travaillerais en faveur de l’instauration d’une relation plus harmonieuse entre les différents groupes religieux et ethniques, parce que notre beauté et notre force doivent être dans notre diversité.

Selon la Constitution, le Nigéria est un État laïc. Mais les dés sont pipés, seule une petite partie des citoyens se taille la part du lion. Nous avons par exemple observé récemment dans le centre du Nigéria que les nominations aux postes gouvernementaux sont accordées en priorité aux musulmans autochtones, même s’ils sont minoritaires par rapport aux autres groupes religieux et ethniques. Il semble donc qu’il existe une politique délibérée de promotion de l’islam, mais sous la domination des Peuls.

Morven McLean vu du Journal Chrétien 

De 2011 à 2015, Sarah Ochekpe était ministre des Ressources en eau. Aujourd’hui, elle est la présidente de l’Emancipation Centre for Crisis Victims, une organisation partenaire de CSI qui aide les victimes des attaques peules.

Sarah Reng Ochekpe est né le 4 octobre 1961 dans la famille d’Ali Reng Madugben à Foron, un district de la région du gouvernement local de Barikin Ladi de l’État du Plateau. Elle a obtenu son premier diplôme en sciences politiques à l’Université Ahmadu Bello, puis une maîtrise en administration publique à l’Université de Jos. Elle possède également des diplômes d’études supérieures de l’Aberdeen College of Commerce et de l’Institut nigérian de journalisme. Elle est mariée à Nelson Ochekpe, professeur de chimie pharmaceutique et vice-chancelier adjoint à l’Université de Jos.
Ochekpe a occupé plusieurs postes de direction à l’Agence nationale d’orientation du Nigéria, avant sa nomination au poste de ministre des Ressources en eau. Aujourd’hui, elle est la présidente de l’Emancipation Centre for Crisis Victims, une organisation partenaire de Christian Solidarity International qui aide les victimes des attaques peules.

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