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Les églises protestantes face aux violences sexuelles

Comment prévenir ces actes? Créer une culture encourageant la parole? Les protestants romands ont adopté une série de mesures. Pour dépasser le tabou, toute l’institution doit s’emparer du sujet.
Dans le canton de Neuchâtel, un tribunal traite d’une affaire de mœurs impliquant un mineur. Un cas banal ? Presque, sauf que l’accusé, un homme de 50 ans, était employé de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV). Au moment de la mise sous presse de cet article, aucun jugement n’est prononcé. Seule certitude, les
faits n’ont aucun lien avec l’activité professionnelle du prévenu.

Comment réagir?

Dans tous les cas, la question qui se pose, en tant qu’Église, est de savoir comment réagir lorsque des soupçons se portent sur un employé, alors même qu’aucun jugement pénal n’est prononcé, et que les faits sont privés. Dans le cas neuchâtelois, entre le moment où les faits ont été portés à la connaissance de la justice et le jugement effectif, trois ans se sont passés. Faut-il suspendre l’employé en attendant une décision de justice? Ne rien faire en attendant le jugement? Lorsque les faits ont été portés à la connaissance de l’EERV, le prévenu les a reconnus et a déposé sa démission à l’institution. L’EERV a aussitôt procédé à une investigation, tant auprès de ses collègues qu’auprès des parents et des adolescents qu’il avait côtoyés. Cette enquête n’a démontré aucune faute professionnelle dans l’exercice de sa fonction. Une écoute a été mise en place pour les personnes concernées, la médiatisation de l’affaire s’ajoutant au choc. Dans l’institution, «lorsqu’une décision de justice est en cours, la confidentialité et la présomption d’innocence sont la règle, couplée si nécessaire avec des mesures provisoires de type d’éloignement, par exemple. L’EERV se doit de respecter le temps judiciaire et ce qui a trait au domaine de la sphère intime», explique aujourd’hui l’Église vaudoise. Qui précise aussi que «chaque cas est unique» et dispose d’une «approche spécifique». Un aumônier est par exemple mis à disposition des personnes concernées, plaignantes comme accusées.

Comment anticiper?

Mais l’idéal, évidemment, serait de pouvoir prévenir toute situation de violence sexuelle. Nous avons donc interrogé les Églises romandes sur leurs méthodes en la matière. Si les textes, chartes et procédures sont souvent adoptés, les outils pratiques et pensés à destination des victimes sont rares. Est-ce à cause de cela que peu de cas sont signalés? En tout cas, selon les déclarations des Églises contactées, ces dix dernières années, un seul cas a officiellement été relevé, il a concerné l’Église protestante de Genève (EPG). «On peut considérer qu’il s’agit d’une forme d’abus spirituel à connotation sexuelle. Aucune plainte n’a été déposée malgré notre encouragement à le faire. Le ministre en question n’a plus le droit de se prévaloir de son titre de ministre», explique-t-on à l’EPG.

Recrutement

L’une des premières mesures que prennent les institutions est de sélectionner leurs candidats en fonction de leur situation pénale: dans les Églises vaudoise, neuchâteloise et de l’union Berne-Jura-Soleure (Bejuso), une personne ne peut prétendre au ministère pastoral si elle possède un casier judiciaire spécial*. Souvent, cette exigence dépasse la simple fonction de pasteur. Dans les Églises Bejuso, «dans les cas où l’Église nationale n’est pas l’employeur, le Conseil synodal a convié les autorités ecclésiales d’engagement à exiger l’extrait spécial du casier judiciaire, lorsque l’activité professionnelle ou non professionnelle implique un contact régulier avec des mineurs ou d’autres personnes particulièrement vulnérables. L’autorité d’engagement peut en outre exiger la présentation d’un extrait spécial sur une base sporadique», nous explique-t-on.
* Le casier judiciaire spécial comporte par exemple les jugements contenant une interdiction d’exercer une profession/une activité/un contact, ordonnée dans le but de protéger des mineurs ou d’autres personnes particulièrement vulnérables.

Procédures

Comment réagir lorsqu’une situation se présente? Toutes les institutions ont des textes de références et des dispositifs spécifiques. Si certaines préfèrent réagir «au cas par cas», l’Église réformée évangélique du canton de Neuchâtel (EREN) a choisi de mettre en place un «dispositif anti-harcèlement», qui inclut aussi les atteintes physiques, psychiques et spirituelles. Il est facilement accessible en ligne et intègre définitions claires, moyens et processus d’actions.

Comme l’Église bernoise, l’EREN dispose d’un groupe de confiance, composé de personnes internes et externes à l’institution pouvant être contactées. Cet équilibre entre répondants internes et externes est important, «car, en fonction des situations, les personnes qui sollicitent une aide peuvent se sentir davantage en confiance avec un répondant interne à l’Église ou une personne externe», précise-t-on auprès de l’Église bernoise. Cette dernière offre, en outre, des liens vers une structure d’accueil externe, bilingue, et «sciemment non intégrée aux structures ecclésiales», à savoir «Fachstelle Mobbing und Belästigung»**, importante entreprise active dans ce domaine, depuis près de vingt ans. Dans l’Église vaudoise, c’est cette solution qui a été privilégiée: «un organisme neutre externe, offrant écoute, débriefing, soutien psychologique et fonctionnant comme personne de confiance en cas d’agressions sexuelles», organisme dont nous n’avons pas obtenu le nom.
** Département harcèlement moral et sexuel.

Formation

Comment accueillir le témoignage d’une victime, surtout si elle est mineure? Mettre un terme à des allusions verbales déplacées? Si des ressources internes sont disponibles, reste à former et sensibiliser les personnels pour qu’ils puissent s’en emparer, orienter les personnes concernées et agir avec les bons réflexes. L’EREN présente régulièrement son «dispositif anti-harcèlement» à ses employés: elle demande que les directeurs de ses camps de jeunes le connaissent et y sensibilisent les collaborateurs. Quant aux moniteurs en formation, ils suivent «une sensibilisation sur la prévention des abus sexuels et la promotion des contacts physiques sains.» L’EREN collabore avec l’association Mira, pour cette prévention.

L’EPG impose «une formation obligatoire pour les ministres qui n’auraient pas déjà suivi une formation ad hoc de prévention aux abus sexuels.» Berne-Jura-Soleure dispose de brochures spécialisées, «Travailler ensemble dans le respect mutuel», «Protection des enfants et des jeunes au sein de la paroisse», systématiquement remises aux nouveaux collaboratrices et collaborateurs et aux bénévoles. La formation de ces derniers notamment aborde le thème du harcèlement et des abus sexuels.

Communication

C’est peut-être là, l’essentiel: faire comprendre aux employés, mais aussi à toute personne en contact avec l’institution, que celle-ci a une position claire sur le sujet. «Dans l’EREN, c’est ‹tolérance zéro› en ce qui concerne le harcèlement et les abus» affiche ainsi sa responsable des ressources humaines. Idem pour le Conseil synodal de Berne-Jura-Soleure, qui a affirmé et réaffirmé cette position depuis 2001 notamment dans son programme de lutte et ligne de conduite.

Une volonté claire, mais qui manque parfois de relais sur le terrain. Rares sont en effet les outils très pratiques à destination des victimes — comme l’excellent dépliant pratique conçu par l’EREN. Et, de l’avis de certains responsables, plus rares encore sont les pasteurs ou employés qui sont prompts à s’emparer du sujet et à se positionner clairement contre les violences et agressions sexuelles, quelles que soient leurs formes. S’opposer aux violences est une évidence, et elle va sans dire, estimeront certains. Une nécessité qui demande des actions claires, pour d’autres.

Le saviez-vous ?

– La majorité sexuelle (16 ans) passe à 18 ans dans les situations où il existe un lien de travail, de confiance, de dépendance.

– Le terme vague « d’abus sexuel », il désigne plusieurs réalités : un acte sexuel, un acte analogue à l’acte sexuel, tout autre acte d’ordre sexuel (allusions verbales, confrontation à des scènes pornographiques, références répétées à la sexualité, intérêt exagéré pour les relations sexuelles de la personne…), imposé à une tierce personne qui ne le souhaite pas, n’y consent pas, ou est âgée de moins de 16 ans.

Source : EREN

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