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La bénédiction est-elle toujours d’actualité?

Après «La Bible des femmes», Elisabeth Parmentier, théologienne à l’Université de Genève, s’attaque à la bénédiction. Que signifie-t-elle aujourd’hui? Quelle est sa pertinence dans une société sécularisée? Quels sont les enjeux pour le christianisme? Interview.
Dans son ouvrage Cet étrange désir d’être bénis, publié en août chez Labor et Fides, la théologienne Elisabeth Parmentier décortique la bénédiction sur tous ses aspects: sa définition, sa pertinence, ses enjeux. La bénédiction se retrouve dans toutes les confessions chrétiennes, dans de nombreuses religions et même en-dehors du cadre religieux. Dans son livre, Elisabeth Parmentier prend pour point de départ la bénédiction dans son enracinement biblique. Par la suite, elle n’hésite pas à sortir de ce cadre et à envisager une lecture non religieuse de ce rituel. Que signifie la bénédiction pour notre société du 21e siècle: un siècle cartésien, de technologie et de raison?

Pourquoi écrire un livre sur la bénédiction?

Avant de me lancer dans ma recherche, je pensais que la bénédiction était liée aux Églises, mais pas du tout. J’ai été surprise par l’intérêt que cette notion suscitait, un intérêt qui dépasse de loin le cadre de la théologie. J’ai réalisé que de plus ne plus de personnes demandent des bénédictions sur toutes sortes de choses et qu’un grand nombre d’entre elles ne sont même pas croyantes.

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Concrètement, qu’est-ce qu’une bénédiction?

La bénédiction regroupe un grand nombre d’aspects et doit toujours être comprise dans son contexte. Dans la Bible, Dieu bénit la création en ces termes : croissez et multipliez. Il y a un don et une responsabilité. Lorsque la bénédiction est donnée au peuple hébreu, elle promesse de prospérité et de descendance, mais aussi et surtout une alliance qui invite à s’engager.

C’est-à-dire ?

La bénédiction est destinée à ouvrir un horizon, un avenir ou à répondre à un besoin, notamment face aux difficultés de la vie. Elle ne concerne pas l’au-delà, mais l’ici-bas, la vie quotidienne des gens. D’un point de vue chrétien, il s’agit d’une parole de force et de bienveillance transmise d’une personne à une autre, ou à une assemblée au nom de Dieu.

Quelles sont les attentes des personnes qui demandent une bénédiction?

Un désir et une espérance. Aujourd’hui, beaucoup de personnes veulent des choses concrètes: une belle vie de couple, trouver un travail, un mari, avoir une famille nombreuse. Nous donnons beaucoup d’importance au résultat et éprouvons le besoin de donner de la valeur à ce que l’on vit.

Cette valeur est d’autant plus précieuse quand quelqu’un d’autre me la dit: qu’il s’agisse de la valeur des choses ou de ma propre vie. Or c’est ce qui se passe dans une bénédiction. Il y a une parole, un geste et une bienveillance qui vont au-delà d’un simple élan de sympathie. Il y a quelque chose de l’ordre de l’ouverture, quelqu’un d’autre qui donne de la valeur à ce que je suis.

« Or c’est ce qui se passe dans une bénédiction. […] Il y a quelque chose de l’ordre de l’ouverture, quelqu’un d’autre qui donne de la valeur à ce que je suis. »
ELISABETH PARMENTIER

Quelle place pour la bénédiction hors des rites religieux?

On n’y pense pas, mais chaque parent peut bénir ses enfants. S’il s’agit d’une bénédiction chrétienne, c’est une bénédiction d’amour au nom de Dieu. Je possède encore un livre de prières de mon arrière-grand-mère avec des bénédictions à l’intention des enfants, à l’occasion de mariages ou encore lorsque survient une maladie.

Dans le judaïsme ou le catholicisme, il est tout à fait courant d’adresser une bénédiction dans la vie quotidienne. Dans le protestantisme, les réformateurs se sont battus contre les superstitions et la piété populaire. Aujourd’hui, il serait important que nous retrouvions ces gestes pour signifier le compagnonnage de Dieu. Les bénédictions sont extrêmement touchantes. Partout où on le fait, les gens pleurent, sont émus, quels qu’ils soient.

Dans votre livre, vous consacrez un chapitre à la bénédiction des couples de même sexe. Quel est votre regard sur la question?

Une partie du problème vient du fait qu’il s’agit d’un acte public. Or, est-ce qu’une bénédiction donne forcément lieu à une caution de l’ Église? Une bénédiction se donne au nom de Dieu et non de l’Église.

Une autre question à se poser serait: marions-nous ces couples ou faisons-nous autre chose ? Dans le protestantisme, nous ne marions pas, mais nous bénissons les personnes après le mariage civil. La bénédiction est donc une démarche supplémentaire, un acte engagé, une démarche de foi de la part du couple.

Vous évoquez la bénédiction pour des actes de divorce. Est-il possible d’envisager la bénédiction d’une brisure?

Là, il faut vraiment faire attention aux termes. Ce que je défends n’est pas de bénir le divorce en tant que tel, mais de proposer une démarche de guérison pour les personnes qui ont besoin de se reconstruire. Dans ce cas, si celle-ci est demandée une bénédiction pour aider la guérison intérieure est envisageable.

Le geste fait partie de la bénédiction. Vous mentionnez par exemple l’imposition des mains. Avec le coronavirus, cette corporéité est-elle destinée à disparaître?

Dans l’église catholique, on bénit souvent par l’intermédiaire de l’eau bénite. Dans le protestantisme, on bénit avec la main. Rien n’empêche cependant d’élever les mains à distance. Il y a beaucoup de manières de signifier la bénédiction. Le plus important est que le geste, quel qu’il soit, soit en adéquation avec la parole.

Quels sont les enjeux de la bénédiction pour le christianisme?

Ce que je retiens de plus important est ce que Dieu dit à Abraham dans le livre de la Genèse: qu’il «sera une bénédiction.» La bénédiction vit d’être transmise. La bénédiction n’est pas à garder, mais à transmettre, à redonner. Il y a donc une dimension de responsabilité. Aujourd’hui, on veut surtout la bénédiction pour nous-mêmes, pour notre propre profit. Elle nous est destinée, bien sûr, mais nous devons la faire fructifier et la redonner plus loin. La pandémie m’a aussi dévoilé que c’est possible à tous les niveaux.

Comment cela?

​La crise sanitaire est arrivée peu après que j’aie terminé mon livre. Je me suis alors dit : à quoi bon la bénédiction dans un monde qui a peur de la mort? Et qu’est-ce cela change d’être chrétien? À la fin de mon ouvrage, je cite Inger Hermann, une enseignante (en Allemagne) qui bénit les élèves au cours de religion, et c’est ce qu’ils réclament ! Beaucoup souffrent de la violence familiale, et elle ne peut pas toujours les aider. Mais elle offre une bénédiction comme un espace d’abri et un autre horizon. La page de couverture de mon ouvrage essaie d’exprimer cela. Elle représente une bulle posée dans la nature. Être chrétien, c’est poser cette autre perspective dans le quotidien, être une bénédiction pour beaucoup, partager un élan de la bienveillance dans notre réalité d’êtres humains.

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