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Les chrétiens peuvent-ils pratiquer le yoga?

Un nouveau débat fait rage sur Internet depuis que Matt Walsh a publié un tweet incitant les chrétiens à faire du yoga. Cette discipline psychosomatique importée de l’Inde et largement diffusée en Occident par des Écoles de yoga au 20ème siècles. Le yoga fait désormais partie du paysage spirituel français ou de langue française. 

« C’est incroyable de voir tous les chrétiens qui ne pensent pas s’inscrire à un cours de yoga pour garder la forme. » Ce message posté sur Twitter par Matt Walsh a provoqué la colère de plusieurs responsables chrétiens.

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Il est important que les chrétiens connaissent les racines lointaines du yoga, dans sa diversité indienne, aussi bien que dans ses déploiements modernes, afin de se positionner en connaissance de cause.

I. Racines lointaines.

Le mot yoga, apparenté au zeugon grec et au latin jugum, est formé sur une racine qu’on retrouve partout dans les langues indo-européennes : l’iranien, le lithuanien, le gothique, etc., et qui évoque l’acte d’atteler, de juguler, c.-à-d. de transformer en synergie des énergies que l’on contraint par violence à travailler ensemble. En passant du matériel au spirituel, de l’art de faire travailler ensemble des chevaux ou des bœufs, à celui d’utiliser toutes les composantes de l’individu pour sa réalisation, le yoga acquiert une signification spirituelle.

Le yoga exige tout d’abord que l’on ait bien repéré, dans le concret comme dans l’abstrait, les forces dont l’individu est composé, et ce qui est susceptible de les fédérer et de les unir. Dans l’Inde, le yoga est par nature lié à une discipline (darshana en sanskrit) qui consiste à « énumérer », à « compter » (c’est le sens même de samkhyâ : énumération ou nombre), les réalités (tattva : ce qui fait que c’est ceci et pas cela) dont l’être humain est constitué.

La Katha Upanishad. Un des textes les plus anciens concernant le yoga se trouve aujourd’hui dans un très court traité relatant une doctrine où l’on recevait d’un maître « auprès duquel on s’asseyait » (sens précis du mot upanishad : s’asseoir auprès…, en vue de …) et qui date des siècles antérieurs à notre ère, sans doute du cinquième.

Dans ce texte, l’homme est comparé à un ensemble fonctionnel consistant en un char de combat attelé de cinq chevaux, conduit par un cocher et occupé aussi par le maître du char.

Le terrain sur lequel les chevaux ont à courir, c.-à-d. leur carrière, c’est le monde ; le char lui-même c’est le corps qui est composé des éléments du monde ; les cinq chevaux ce sont les cinq sens, les organes de sensation et d’action qui, par nature, sont en contact avec le monde ; les rênes, que tient en main le conducteur, c’est le manas (un mot apparenté à mens) ou le sens commun qui permet de contrôler de l’intérieur, en s’y insérant, les organes sensoriels et moteurs représentés ici par les chevaux ; le cocher c’est l’intelligence supérieure (buddhi, semblable au noûs platonicien) qui décide de sa propre réalisation, et qui est aussi la faculté de discrimination des valeurs, qui distingue le temporaire et l’éternel, l’agréable et le salutaire, etc., et qui est la faculté de connaissance supérieure. Quant au propriétaire du char, engagé malgré lui dans un véhicule qui suit une voie dont il ignore tout, c’est l’âtman

Laissés à eux-mêmes, les chevaux iraient inévitablement à la dispersion, chacun courant sur sa propre voie. Ils iraient à la ruine, et c’est bien ce que l’on constate chez l’homme qui n’est pas unifié. Le constat d’impuissance et de souffrance que le bouddhisme met à la base de sa recherche de la libération, nous le trouvons ici, dans ce texte du VIe ou Ve s. avant notre ère, à la même époque donc où il fut proclamé par Shakyamuni, le futur Buddha.

Ce qui fait la différence entre ce texte de la Katha Upanishad et la prédication du Buddha, c’est la présence de l’âtman, le propriétaire du char, le « Soi » que le Buddha a déclaré à la fois inutile et inaccessible, mais qui, ici, se trouve au centre, même s’il ne « fait » rien. Il est là, toujours prêt à rejoindre l’absolu, le brahman.

Pour le moment, il ne le peut pas, car il est embarqué malgré lui sur ce char. Pour qu’il puisse quitter ce char, il faudrait que celui-ci s’arrête, cesse de le véhiculer, et que les liens qui le lient au char et à son conducteur soient détruits.

Heureusement l’âtman, le propriétaire du char qui est son véhicule, dispose de la faculté de discrimination, de décision, qui est la buddhi. Il en dispose à la manière dont les grands dieux de l’hindouisme disposent de leur shakti, de leur puissance féminine, c.-à-d. que c’est par elle qu’il agit par réalité interposée.

Lorsque, par l’éducation de la buddhi, l’être humain discrimine l’éternel du provisoire, le salutaire du futile, etc., il se prépare, ainsi que son âtman, à se dégager de tout ce qui l’empêche de rejoindre l’absolu. Il s’identifie un peu à la fois au brahman.

Puisque nous sommes bien obligés de nous prendre comme nous sommes, avec notre corps pesant et nos organes de sensation et d’action, qui vont dans le sens de la dispersion, pour qu’une attitude libératrice puisse se produire, il faut au préalable s’unifier au niveau du corps, des sens et du mental. Chez l’être unifié, l’intuition libératrice peut se produire. C’est ce que l’upanishad affirme, mettant en opposition celui qui est sans connaissance salvatrice (avijñâna) et celui « qui a la connaissance salvatrice » (vijñâna)

 « Celui qui est sans connaissance (a-vijñâna) avec un manas jamais attelé (ayukta), les sens ne lui sont pas soumis. Ce sont comme de mauvais chevaux pour le cocher ».

 « Celui qui a la connaissance avec un manas toujours attelé (yukta), les sens lui sont soumis, ce sont comme de bons chevaux pour le cocher ».

 « Celui qui est sans connaissance, sans manas, toujours impur, il n’arrive pas à ce lieu, il accède au circuit des renaissances ».

 « Celui qui a la connaissance, pourvu de pensées, toujours pur, il arrive à ce lieu d’où l’on ne naît plus à nouveau ».

 « L’homme qui a la connaissance (jñâna) pour cocher, la manas pour rênes, il atteint l’autre rive du voyage, le lieu suprême de Visnu ».

Notons bien que le participe passé yukta, attelé, appliqué au manas, indique que celui-ci est passé sous un contrôle, un yoga (même racine). Selon cette upanishad, le yoga, comme discipline, est le contrôle d’abord du mental, du manas (c.-à-d. des rênes par lesquelles les sens sont soumis et sont empêchés de se compromettre avec le monde). Mais le manas lui-même est à la disposition de la buddhi, comme les rênes sont entre les mains du cocher. C’est le complexe humain qui est ainsi contrôlé dans sa totalité.

Ce qui veut dire que celui qui veut ainsi suivre la discipline du yoga se voit engagé sur une voie de libération, dans une optique philosophique et métaphysique qui n’est autre que celle des upanishad, c.-à-d. du vedânta.

II. Variété dans l’utilisation du yoga dans le monde oriental.

 Le yoga a été utilisé par de nombreux courants spirituels et religieux de l’Inde. Avant d’énumérer et de décrire ces courants, il est utile de préciser quel est l’esprit du yoga, indépendamment de toute appartenance religieuse ou sectaire.

Tout d’abord le yoga n’a rien d’une ascèse assortie d’un mépris pour le corps. C’est au contraire une discipline spirituelle originale qui tient compte du composé humain tout entier : corps physique (anatomie, physiologie) psychisme (pensée rationnelle, passions, rêves) et spiritualité. Le contrôle du souffle est une régularisation et un approfondissement de ce qu’il y a de plus naturel dans l’homme : sa respiration, et les âsanas ou postures n’ont rien d’acrobatique, du moins les plus simples, tel le vajrâsana qu’on trouve déjà utilisé par leBuddha pour méditer (et qui est la manière la plus simple et la plus courante de s’asseoir par terre ou sur un tapis).

Rien d’étonnant à ce que les différents courants de l’Inde l’aient utilisé à leurs fins propres. Voici quelques exemples :

1. Une quasi-religion.

Centrée sur la connaissance, une manière quasi religieuse d’utiliser le yoga est celle de laKatha Upanishad qui donne comme finalité au yoga la connaissance discriminatoire (vijñâna) ou la gnose (jnâna), c.-à-d. la non-dualité de l’âtman et dubrahman, ou la reconnaissance de l’identité de l’âtman et du brahman. Le vedânta-yogas’inscrit dans cette lignée, y compris chez des Maîtres spirituels qui sont reçus en Occident.

2. Un yoga bouddhique.

Une manière athée de pratiquer le yoga a été celle d’une École du Mahâyâna indien, leYogâcara encore appelé Vijnânavâda, fondé au IVe s. de notre ère par un brahmane converti au bouddhisme, Asanga. Pour celui-ci, la connaissance discriminatoire (vijñâna) consiste à reconnaître qu’il n’existe aucune réalité en dehors des phénomènes mentaux, des contenus de conscience. C’est donc refuser, dans un esprit fidèle au bouddhisme, l’existence ou l’importance de l’âtman-brahman, de l’Absolu. Pour parvenir à un état de conscience purifiée de toute illusion, l’adepte du Vjñâna-vâda doit se soumettre à la discipline du yoga qui le libère progressivement de tous les conditionnements de l’existence et de toute dualité.

3. Un yoga au service de la dévotion.

Autre exemple : il y a une manière dévotionnelle de pratiquer le yoga, lorsque l’ensemble des pratiques du yoga est orienté vers la dévotion (bhakti) envers une divinité, par exemple Shiva, ou vers le symbole shivaïte par excellence qu’est le lingam. Shiva est alors le Grand Yogin, Mahâyogin. C’est ainsi qu’il est vénéré et approché par le groupe des Lingâyats, en Inde (Sri Mahesh, Le Bhakti-Yoga de Akkamahadevi, Paris 1977).

Dans tous ces courants, le yoga est mis tout naturellement au service d’une doctrine particulière préexistante.

4. Le Râja-Yoga.

– Il est aussi un darshana, un système autonome de pensée et d’action – attribué à Patañjali – organisé pour lui-même, lorsque, sur une trame d’aphorismes remontant à une période antérieure à notre ère, il est explicité de bout en bout, depuis le moment où le futur yoginaccepte de mettre sa vie tout entière sous le signe d’une moralité très contraignante jusqu’au moment où il aboutit au terme du yoga que Patañjali énonce comme « la suppression de toutes les fluctuations mentales » (Yoga sûtra, I, 1).

Le chemin spirituel que propose Patañjali comporte huit étapes, dont les deux premières sont des garanties morales et des engagements. Les trois suivantes sont les postures, la maîtrise du souffle et le retrait des sens. Les trois dernières sont la concentration de l’esprit, la méditation et la fixation totale de l’esprit qui s’absorbe dans l’Absolu, le samâdhi.

III. Le yoga en Occident.

Introduit et enseigné en Occident dès les années 1936, le yoga a connu un grand succès dès les années 60 (par exemple, il était enseigné à Paris par Sri Mahesh).

Il est devenu pour beaucoup « une sorte de gymnastique douce, une manière de reprendre contact avec son propre corps, une technique de relaxation pour lutter contre le stress de la vie citadine ».

Certains chrétiens ont perçu dans le yoga une aide à la prière, une technique permettant de s’établir dans un état d’esprit et de recueillement favorable à la méditation et à l’oraison.

D’autres enfin vont pratiquer le yoga dans la perspective d’une transformation de soi, assez proche de celle que connaissent les adeptes du yoga en Inde.

IV Pour un sérieux discernement spirituel

Alors que les chrétiens protestants gardent le silence au sujet du yoga, l’Eglise catholique a choisi de réagir. Le 15 octobre 1989, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi envoyait aux évêques de l’Église Catholique une lettre sur « quelques aspects de la méditation chrétienne » et traitant des techniques de méditation orientale « pour mettre en évidence les implications théologiques et spirituelles du problème » – sans toutefois traiter de l’aspect psychologique, ni même de l’aspect physiologique de la question, et cela délibérément.

Les chrétiens qui cherchent à « harmoniser méditation chrétienne et techniques orientales » doivent le faire avec beaucoup de discernement des contenus et de la méthode, pour éviter de tomber dans un pernicieux syncrétisme.

Le contenu de la méditation n’est autre que la position métaphysique impliquée dans le discours adressé par le Maître à ses disciples. Comme nous l’avons vu en énumérant les différentes formes du yoga indien, ce contenu peut être soit un monisme (dans le vedânta-yoga), soit un dualisme dévotionnel (dans le bhakti-yoga), soit un non-dualisme de type agnostique (dans le yogâcara bouddhique), soit un non-dualisme mitigé (dans le cas du râja-yoga de Patañjali). Il est rare en Occident que le yoga soit enseigné avec un tel contenu métaphysique ou religieux, sauf peut-être dans les formes de yoga et de méditation bouddhique ou dans la Méditation Transcendantale.

Dans ce cas le yoga, de par son contenu, présente un danger pour la foi chrétienne en éloignant le pratiquant de la reconnaissance d’un Dieu personnel.

Chrétiens TV

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